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LA &nbsp LIBERTE &nbsp D' EXPRESSION

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jeudi 24 juillet 2014

Hollande, en route vers la censure d'Internet

Les socialistes veulent limiter notre liberté d'expression

Une séparation des pouvoirs, à la façon des pays totalitaires
Les libertés seront surveillées et le pays des Lumières va s'enfoncer dans une nouvelle ère obscurantiste. Valls compte en effet mettre peu à peu en place un système de blocage administratif des sites web, sans intervention de la justice.
Mardi soir, en commission des Lois, les députés de la majorité ont voté le blocage administratif de sites faisant l'apologie du terrorisme, et sans que la justice puisse contrôler les éventuels abus. L'Assemblée devra se prononcer en séance plénière mi-septembre sur l'ensemble du projet de loi de lutte contre le terrorisme. Si le but est apparemment louable, dans l'esprit des blocages prévus pour lutter contre la pédopornographie, la mesure socialiste fait peser une deuxième menace contre les libertés. La France de Hollande ambitionne de s'aligner sur la Tunisie de Mongi Marzouk, qui annonça en septembre 2012 que le gouvernement travaille à mettre le réseau Internet sous contrôle, lui aussi pour des raisons de sécurité.

Quelques heures avant le vote, une commission spécialisée avait pourtant durement contesté le projet du ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve. Dans sa recommandation, cette commission de réflexion sur le droit et les libertés à l'âge du numérique, créée en février pour éclairer les parlementaires sur ces questions, rappelle que "le préalable d'une décision judiciaire apparaît comme un principe essentiel, de nature à respecter l'ensemble des intérêts en présence, lorsqu'est envisagé le blocage de l'accès à des contenus illicites sur des réseaux numériques".

Co-présidée par le député socialiste de la Nièvre, à la gauche du PS, Christian Paul et l'avocate Christiane Féral-Schuhl, la commission oppose notamment le problème de faisabilité, le blocage des sites étant très difficile à mettre en oeuvre. Mais le projet est bien parti pour être validé en septembre, d'autant qu'il est très cher au Premier ministre Manuel Valls, qui avait déjà fait un pas dans cette direction lorsqu'il était Place Beauvau. Aujourd'hui, comme pour tous les projets de loi concernant les libertés sur Internet (Hadopi, Loppsi 2, Loi de programmation militaire, etc.), quelques députés de tous bords qui ont compris le fonctionnement d'Internet semblent d'abord déterminés à s'opposer à l'éternel fantasme de contrôle d'Internet, mais finissent par s'aligner: les apparences d'un débat sont sauvegardées...

Contournable en un clic

Comme dans des pays hautement démocratiques comme la Chine, Cuba ou la Libye qui pratiquent déjà la censure d'Internet, la commission craint un contournement facile du blocage. L'utilisation par les internautes de réseaux privés virtuels (VPN), par exemple, leur permet - en quelque sorte - de se connecter de façon chiffrée via le réseau d'un autre pays et donc d'échapper aux blocages décidés par un État ou par un autre. Ces services, qui coûtent quelques euros par mois et rapportent gros à leurs créateurs, sont souvent étrangers, et parfois fournis par des réseaux mafieux. Leur utilisation a explosé en France depuis la mise en place du gendarme du piratage, la Hadopi.


Les outils destinés aux cyber-dissidents, comme l'excellent Tor, permettent aussi d'échapper à la censure, gratuitement et en un clic. L'utilisation de Tor explose dans les grandes démocraties, de plus en plus adeptes de la cybercensure. Il devient ainsi plus difficile de repérer les activités illégales. Lors d'un précédent projet de censure des sites terroristes en 2013 déjà voulu par Manuel Valls, le juge antiterroriste Marc Trévidic avait expliqué que c'est justement grâce aux imprudences des terroristes sur Internet que la police peut les repérer et les arrêter...

Des mesures "disproportionnées" et "inefficaces"
La commission craint par ailleurs les blocages de contenus par erreur, c'est-à-dire l'inscription sur la liste noire de sites n'ayant rien à voir avec le terrorisme ou la pédo-pornographie, comme cela a été prouvé, par exemple en Australie. Le "retrait du contenu auprès des hébergeurs doit être privilégié sur le blocage lorsque ces derniers sont coopératifs", estime la commission.

Plusieurs autres voix se sont élevées contre le projet de loi socialiste.
Reporters sans frontières (RSF), qui n'a pas pour habitude de critiquer la France, n'y va pas de main morte. Selon son communiqué, le texte "pourrait engendrer un recul de la liberté d'information puisqu'il (...) prévoit le blocage administratif de sites internet et augmente les mesures de surveillance". 


Comment autoriser des rassemblements politiques à risques, tels les défilés pro-palestiniens, et interdire des lieux d'expression sur l'Internet? "C'est un test majeur pour la défense des droits et libertés contre l'instauration de mesures très graves de police préventive de l'intention, contournant le judiciaire au nom de la lutte contre le terrorisme", dénonce pour sa part le collectif citoyen La Quadrature du Net. "L'ensemble de ce projet de loi instaure un état d'exception permanent d'Internet, contournant largement le juge pour s'orienter vers des solutions policières et administratives, non contradictoires, disproportionnées et pour la plupart inefficaces", poursuit l'association.


Un revirement incohérent
"L'adoption de ce projet de loi par une majorité qui avait autrefois combattu ces dispositions inspirées du programme de Nicolas Sarkozy illustre l'acceptation générale par la classe politique d'un abandon du pouvoir judiciaire au profit de la police et de la généralisation des mesures d'exception. Citoyens et organisations de la société civile doivent se mobiliser pour lutter contre la banalisation des atteintes aux libertés fondamentales !" explique Adrienne Charmet, coordinatrice des campagnes de La Quadrature du Net.

Des concessions inutiles

Tenant compte en partie des critiques, le rapporteur du texte, Sébastien Pietrasanta (PS), un professeur auteur d'une thèse sur "Bergery, Déat et Doriot et l’encadrement de la jeunesse", a fait adopter un amendement prévoyant que "la demande de blocage d'un site devra obligatoirement être précédée par une demande adressée à l'éditeur du site ou, à défaut, à son hébergeur de retirer le contenu illicite". "Ce n'est qu'en l'absence de retrait dans un délai de vingt-quatre heures que l'autorité administrative pourra faire procéder au blocage du site par les FAI", précise-t-il.

Un autre amendement de S.Pietrasanta prévoit de confier à une personnalité qualifiée, désignée par la CNIL, "la mission de vérifier que les contenus dont l'autorité administrative demande le retrait ou que les sites dont elle ordonne le blocage sont bien contraires aux dispositions du Code pénal sanctionnant la provocation au terrorisme, l'apologie du terrorisme ou la diffusion d'images pédo-pornographiques". Cette personnalité pourrait, si l'autorité administrative ne suit pas sa recommandation, saisir la juridiction administrative.

L'État, bientôt promoteur des sites terroristes
Mais ce contrôle des sites bloqués impliquerait la publication de la liste noire, ou du moins sa circulation dans des cercles qui, s'ils sont restreints, ne resteront pas étanches au fuitage. L'État offrira alors une publicité inespérée aux sites qu'il souhaite bloquer, car à l'ère des WikiLeaks et autres Edward Snowden, la diffusion de la liste ne sera qu'une question de temps. C'est ce qu'on appelle sur Internet l'effet Streisand : quand on veut à tout prix étouffer quelque chose, on finit par le promouvoir. Dans ce cas, l'État aura gentiment constitué les marque-pages du parfait petit terroriste pornographe amateur.
Les députés godillots seront-ils en soudaine capacité de reprendre leurs esprits d'ici l'examen en hémicycle mi-septembre, et de considérer enfin Internet comme un espace sur lequel il suffit d'appliquer les lois existantes, sans en créer de nouvelles ?... Une évidence qui échappe aux bons petits soldats du PS qui, dans le même temps, votent le projet de simplification la vie des entreprises: plus les socialistes parlent de cohérence, plus elle leur échappe.

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