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mercredi 25 juin 2014

Affaires Lambert et Bonnemaison: quelle politique de la mort ?

"Les affaires Lambert et Bonnemaison n'ont rien à voir avec l'euthanasie", souligne Leonetti

Jean Leonetti, auteur de la loi de 2005 sur la fin de vie, réagit aux affaires Lambert et Bonnemaison
 
Les 17 juges du Conseil d'État ont ordonné l'arrêt de l'alimentation de Vincent Lambert, devenu tétraplégique dans un accident de la route en 2008. Etait-ce à des juges de prendre cette décision?

Toute loi qui est contestée dans son application est portée devant les juridictions. Le Conseil d'État est la plus haute juridiction. Elle a tranché dans sa formation la plus large et avec le plus de précautions possibles.
Sa décision conforte la loi de 2005 sur la fin de vie qui interdit l'acharnement thérapeutique.

Le Conseil d'État a jugé que le maintien de l'alimentation et de l'hydratation de Vincent Lambert avait pour seul effet de le
maintenir artificiellement en vie ce qui constitue pour eux une "obstination déraisonnable". 

Cette interprétation est-elle conforme à l'esprit votre loi?

Le Conseil d'État est là pour dire la loi.
Sa décison est à la fois conforme à l'esprit et à la lettre de la loi de 2005 qui porte sur le droit des malades et la fin de vie. La nutrition et l'hydratation artificielle, au même titre que la ventilation artificielle, sont des traitements car ils nécessitent une opération chirurgicale et la mise en place d'une sonde dans l'estomac. Dans le cas de Vincent Lambert, qui est dans un état d'absence de conscience de soi et de relation à l'autre, cela constitue bien une "obstination déraisonnable" car il s'agit d'une opération inutile qui n'a d'autre effet que le maintien artificiel de la vie.

Mais la situation médicale n'est pas le seul élément à prendre en compte, il y aussi la volonté du malade: la loi dit qu'on peut arrêter ses traitements, pas forcément qu'on doit le faire. Or, Vincent Lambert n'est pas en état d'exprimer sa volonté et n'a pas laissé de directive anticipée. Le Conseil d'État a donc interrogé ses proches pour retracer son parcours de vie et rechercher ce qu'il aurait voulu. Vincent Lambert était infirmier et a[urait] confié à plusieurs de ses proches ne pas vouloir être maintenu en vie dans les conditions dans lesquelles il se trouve actuellement [prémonition?].

Ne craignez-vous pas que la décision du Conseil d'État face jurisprudence et soit la porte ouverte à la légalisation de l'euthanasie?

Cette décision n'est pas une validation d'un acte euthanasique, mais le refus de l'acharnement thérapeutique.
Dans les pays qui ont légiféré sur le droit à la mort ou sur le suicide assisté, le cas Vincent Lambert se serait heurté à un vide juridique. 
L'euthanasie exige en effet l'expression claire de la volonté du malade. Or, dans le cas de Vincent Lambert, celle-ci est impossible. La spécificité de la loi de 2005, par rapport à toutes les autres lois européennes, est d'apporter une réponse à ce type de cas. Encore une fois, le débat autour du cas Vincent Lambert porte sur l'acharnement thérapeutique et non sur l'euthanasie. Le Conseil d'État a jugé qu'il y avait obstination déraisonnable et n'a en aucun as ouvert la porte à l'euthanasie. Par ailleurs, cette décision qui concerne le cas particulier de Vincent Lambert ne peut être généralisée à l'ensemble des sujets en situation pathologique similaire. Chaque situation doit être appréciée au cas par cas. Il y a quelques années les éléments médicaux montraient qu'il y avait encore des signes de conscience chez Vincent Lambert. Le Conseil d'Etat, s'il avait été saisi alors, n'aurait peut-être pas pris la même décision.

L'acquittement du docteur Bonnemaison relance-t-il le débat? 

Non, je pense qu'on ne peut pas parler d'euthanasie dans le cas du docteur Bonnemaison. Le suicide assisté répond à une procédure stricte et exige le consentement des patients. Or, Nicolas Bonnemaison a agi sans le consentement de ces derniers. Le procès Bonnemaison a été celui d'une médecine solitaire qui se donne des droits qu'elle n'a pas sur les patients.

Que dites-vous à ceux qui estiment qu'il y a des failles dans votre loi et qu'elle doit être modifiée?

S'il y avait une faille dans la loi, le Conseil d'Etat ne l'aurait pas confortée. Chaque année, 25 000 personnes sont concernées par un arrêt de traitement en fin de vie. C'est une procédure habituelle qui est rarement contestée devant les tribunaux. Le cas Vincent Lambert est très médiatisé car exceptionnel.
br>Que pensez-vous de la décison de la Cour européenne de maintenir en vie Vincent Lambert contre la décision du Conseil d'État?

Le travail de la Cour européenne [des Droits de l'Homme] est d'examiner les recours qui lui sont présentés. Personne ne peut s'y opposer. Mais je pense que c'est peut-être le recours de trop. Dans l'affaire Lambert, nous sommes en train de passer de l'acharnement thérapeutique à l'acharnement judiciaire. Je pense notamment au déchirement des familles qui s'éternise. Le Conseil d'État n'a pas délibéré à la légère. Il s'est assuré de l'aspect irrémédiable des lésions cérébrales de Vincent Lambert et pris une décision conforme au droit français qui est loin d'être le plus permissif sur cette question.

Vous avez été
missionné par le président de la République [François Hollande] pour "faire évoluer la législation" sur la fin de vie "dans un esprit de rassemblement". 

Quelle est exactement votre mission?

J'ai été missionné pour travailler sur trois sujets: l'insuffisance des soins palliatifs dans la médecine française, l'absence de culture française des directives anticipées et enfin la qualité de vie qui doit être privilégiée par rapport à la durée de vie. J'ai donc été missionné pour réfléchir aux conditions dans lesquelles on a le droit d'accélérer la mort et en aucun cas pour légiférer sur le suicide assisté.
(dans FigaroVox)

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