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dimanche 23 mars 2014

Liberté d'expression: la société Gaumont prive Le Figaro de projections presse

Liberté de la presse: la famille Seydoux sanctionne la critique

La société Gaumont interdirait ses projections presse à certains journalistes (photo d'illustration).
Les journalistes du quotidien ne sont plus invités à voir les films des distributeurs Gaumont et Pathé, en raison d'une trop grande sévérité

Les critiques sont des gens méchants.
Parfois, ils écrivent du mal des gentils films. Parfois, même, ils osent dire qu'ils ne sont pas tous des chefs-d'œuvre. Pire, ils ne soutiennent pas systématiquement les longs-métrages produits et distribués par les firmes Pathé ou Gaumont.

Ces sociétés françaises n'ont rien contre la critique française, pas du tout, du moment qu'elle tartine sur la qualité de leurs réalisations. Ou alors, quand elle ose émettre un avis défavorable, il faut que celui-ci ne se voie pas, qu'il reste dans son coin, caché en bas de page.


Les frères Seydoux règnent sur le cinéma français

Jérôme, 79 ans, est
président de Pathé, Nicolas, 74 ans, de Gaumont, et Michel, 66 ans, a produit notamment Cyrano de Bergerac. Le clan Seydoux-Fornier de Clausonne, issu de l'empire Schlumberger, d'abord active dans le textile et la recherche pétrolière, est une dynastie protestante issue, au XIXesiècle, du dernier chef du gouvernement de la monarchie de Juillet, François Guizot. 
Elle ne dit pas l'étendue de son influence et l'ampleur sa fortune, construite à partir de l'un des plus riches héritages de la bourgeoisie d'affaires, et on ne s'attend pas à ce qu'il soit proche du PS. D'ailleurs, Jérôme dit avoir voté Sarkozy, mais il est aussi l'actionnaire majoritaire du club de Lille racheté par Michel, ce qui suffirait à confirmer la règle que les grandes familles ne mettent pas leurs oeufs dans le même panier. 
Or, la saga des frères Seydoux débuta sous l'impulsion d'un homme étranger à la famille, Jean Riboud, grand ami de François Mitterrand. En 1975, Jérôme prend la direction du groupe. Michel quant à lui crée en 1971 sa première société de production, Camera One et, au Festival de Cannes, se lie avec Gérard Depardieu. Nicolas n'a rien d'un patron, mais il a deux amis passionnés par le 7e art, Daniel Toscan du Plantier, alors publicitaire chez Publicis, et le producteur Jean-Pierre Rassam qui le convainquent, en 1974, de racheter Gaumont à son frère Jérôme. 
En 1985, à l'instigation de Jean Riboud, celui-là même qui l'a évincé de Schlumberger, l'aîné des Seydoux se lance dans l'aventure de la première chaîne privée créée par Mitterrand, La Cinq, mais qu'il abandonne, car il veut, comme ses deux frères, se lancer dans le cinéma. Sur les conseils de Michel Seydoux, qui lui a présenté Claude Berri, il prend 50 % de Renn Productions, la société du producteur et réalisateur du Vieil Homme et l'Enfant. Mais en 1990, il voit plus grand, et rachète Pathé à l'Italien Paretti. 
Avant cela, en 1973, Jérôme Seydoux est au capital du Nouvel Observateur puis, en 1977, accepte de participer au capital du Matin de Paris au même niveau que Claude Perdriel (Le Nouvel Observateur). En 1986, aux côtés de Silvio Berlusconi il préside le conseil d'administration de La Cinq, sa première expérience dans le monde de la télévision. Mais  en 1986, après que Jérôme avait été propriétaire quelques mois, Chirac avait confié les rênes de La Cinq, au côté de Silvio Berlusconi, à Jean-Luc Lagardère et à Robert Hersant. 
Cet engagement de Jérôme dans les media se réoriente avec son entrée dans le capital de Libération en mai 1993 (Pathé devient actionnaire majoritaire en 1988 avec 60,8% des actions, avant de ne plus conserver que 1,5%), puis par la prise de contrôle du titre par sa société Chargeurs, en janvier 1996. Entre 1998 et 1999, il est président du conseil d'administration de British Sky Broadcasting, la plate-forme satellite de Rupert Murdoch, puis de la chaîne Comédie ! en 2002 et président de l'Association pour la télévision numérique en 2001.

Le secteur cinématographique français est désormais sous l'emprise des Seydoux
L'entreprise Gaumont demeure l'un des plus importants producteurs et distributeurs de cinéma en France. Et à la différence de Pathé, le passage des pouvoirs entre Nicolas et sa fille cadette, Sidonie, s'est opéré sans difficulté.
Canal+ France est détenu à 80 % par le Groupe Canal+, filiale à 100 % de Vivendi, et à 20% par le groupe Lagardère. Jérôme Seydoux fait son entrée dans le capital de la plate-forme satellite de Rupert Murdoch, BSkyB, une mauvaise opération qu'il interrompt près de dix ans plus tard. Idem avec CanalSatellite, le bouquet de Canal +, dont il sera l'actionnaire, avant, là aussi, de tourner casaque. Mais il a survécu, en 1999, au raid inamical de Vincent Bolloré, ouis est parvenu à repousser TF1, avec l'appui de Canal + et de Vivendi Universal (propriétaire de L'Express). 

Il manquait un troisième maillon au groupe Pathé pour que la chaîne médiatique soit complète: la diffusion. C'est chose faite avec le rachat de Télé Monte-Carlo. En acquérant cette belle endormie du PAF, Pathé a sans doute réalisé l'une des opérations les plus intelligentes du moment. Créée en 1954, cette petite chaîne de télévision, ancrée à Monaco, dispose d'un embryon de réseau national qui en fait potentiellement la septième chaîne généraliste française. Restructurée, remise d'équerre, TMC, dont Pathé détiendra rapidement plus de 80% du capital, offrit un nouveau visage.

Au printemps 2001, Jérôme et Nicolas Seydoux annoncent la fusion de leurs circuits de salles de cinéma. 
En 2007, puis 2012, nombre d'éléphants du PS, dont le futur président François Hollande, citent volontiers le nom de l'actionnaire de Libération dans le cadre d'opérations futures à mener dans l'audiovisuel.
L'omniprésence de l'actrice Léa Seydoux (La Vie d'Adèle) s'explique pour une large part par le fait est la fille de Valérie Schlumberger et de l'entrepreneur Henri Seydoux, et la petite-fille de Jérôme Seydoux, le président de Pathé. En juin 1999, Pathé avait fusionné avec Vivendi, conservant les intérêts de Pathé dans British Sky Broadcasting (BSkyB) et ...Canalsat.

Une situation hégémonique donne plus de droits que de devoirs.
Et cela d'autant plus que le changement de majorité garantit la sympathie, voire le soutien du pouvoir.

Un boycottage

"Pas de tomates pour les navets"
, titre ironique d'un article publié dans 
Le Figaro, propriété de Serge Dassault depuis 2004, alors que le Groupe Industriel Marcel Dassault détient 5,45 % du capital de la Gaumont.

Le sujet de la polémique:
l'interdiction faite aux journalistes du quotidien d'assister aux projections presse de certains distributeurs de cinéma. Des représailles à l'encontre des critiques trop négatives à l'égard de leurs films...

Bannis par Gaumont et Pathé. 


"Plus un critique de notre journal n'est convié aux projections de presse de leurs films", écrit ainsi Le Figaro à propos du distributeur Pathé. Les dirigeants de la firme n'auraient pas apprécié le peu d'enthousiasme du journal pour Supercondriaque, la nouvelle comédie de Dany Boon, membre du conseil de direction de Pathé. 
Léa Seydoux est au générique...
Même traitement répressif de la part de Gaumont qui, n'aurait pas aimé que Le Figaro illustre un dossier sur la faiblesse des scénarios du cinéma français avec des photos du film Mea Culpa, que l'entreprise a distribué, ou encore la critique de La Belle et la Bête, raillé par le journal
On est rarement déçu avec Vincent Lindon. Vendredi 31 janvier, à l'antenne de France Inter, l'acteur à l'affiche de Mea culpa, en salle ce mercredi, donne son avis sur la proposition du rapport Bonnel de diffuser certains films directement sur le Net. "Il y a 16 films qui sortent par semaine parce qu'il y a 300 ou 400 films produits par an, et évidemment les trois quarts ne sont pas des grands films. C'est au scénario que ça se décide. Si on travaillait un peu avec les scénaristes, si on les payait autant à écrire qu'à aller réaliser sur le plateau, quand on voit la façon dont ils sont traités, ils touchent très peu d'argent à la première version." Bref, si on payait mieux les scénaristes, on aurait "des scénarios mieux écrits, plus pointus, plus fouillés, et il y aurait moins de films qui sortiraient". Cette défense et illustration du scénario, en pleine promotion d'un film d'action riche de trois dialogues et de "500 impacts de balles pour la séquence du TGV", dixit Lindon, est assez explosive.

"Nous n'étions pas les bienvenus".
L'interdiction des projections presse, "une sanction à laquelle sont confrontés beaucoup de nos confrères", assure Le Figaro, qui souligne que certains journalistes participant à l'émission cinéma de Canal+ Le Cercle sont eux aussi privés de projection. "Cela s'est produit lorsque nous avons sollicité Gaumont et Pathé pour assister à des projections presse récentes, comme celles de Diplomatie et de Palo Alto. On nous a répondu que nous n'étions pas les bienvenus", explique François Aubel, rédacteur en chef culture au Figaro, contacté par Europe1.fr.


Mais
les sanctions ne se limitent pas à l'interdiction des projections presse. Elles sont également financières. "Pathé nous a supprimé une publicité de La Belle et la Bête parce que nous n'en avions pas dit du bien. Et chez Gaumont comme chez Pathé, les demandes de partenariats sont au point mort", précise François Aubel.


Gaumont veut des "articles argumentés".
 Les porte-paroles de Gaumont et Pathé n'étaient pas disponibles mardi matin pour vérification. Le Figaro a cependant interrogé la directrice générale de Gaumont, Sidonie Dumas, qui a dénoncé le comportement trop négatif des critiques. "Le cinéma français est malmené depuis plusieurs mois. À tort", accuse-t-elle, estimant que "le cinéma est un bouc émissaire". Si elle souligne que "Gaumont ne s'opposera jamais à des critiques négatives", Sidonie Dumas estime qu'"il faut que les articles soient argumentés". Selon elle, "beaucoup de critiques décrètent "c'est nul", avant même d'avoir vu le film".

"Ce qui manque aujourd'hui, chez les critiques, c'est un élan positif"
, déplore la directrice de Gaumont. "Chaque film est un prototype qui demande beaucoup de travail, d'argent et d'enthousiasme. Les rouages sont très fragiles et les attaques sont systématiques. Cela devient lassant". Sidonie Dumas évoque même une remise en cause du principe même des projections en avant-première dédiées à la presse. "Les critiques vont voir les films entre eux dans des conditions extrêmement privilégiées : projections privées et sans jamais payer leur place", rappelle la patronne de la société multinationale, à la limite de la pingrerie. "Peut-être faudrait-il qu'ils fassent comme les critiques de théâtre et aillent voir les films au milieu d'un vrai public ?"

Un cinéma de qualité plutôt qu'un nivellement par le bas
"On nous reproche de vouloir la mort du cinéma français, ce qui est totalement faux", réplique le rédacteur en chef culture au Figaro. "Nous avons simplement envie de faire notre travail correctement, et notre travail, ce n'est pas d'envoyer nos lecteurs voir un film lorsque ça ne vaut pas le coup".

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