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dimanche 10 mars 2013

Pouvoir gay: notre société vire-t-elle sa cuti ?

Comment la “culture gay”, hier confinée, est-elle devenue dominante ?

C'est tout l’enjeu d’une enquête aussi informée que contestable que l’on doit au journaliste et sociologue Frédéric Martel, dans Valeurs Actuelles
« L’amour qui n’ose pas dire son nom », selon le mot d’Oscar Wilde, s’affiche désormais sans complexes. Les députés lui ont même récemment donné une visibilité en adoptant le projet de “mariage pour tous”. Inimaginable, il y a une vingtaine d’années. Rappelons, pour mémoire, que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) plaçait encore l’homosexualité dans la nomenclature des maladies mentales en 1990. Un renversement complet qu’analyse le sociologue Frédéric Martel dans Global Gay, 

Comment la révolution gay change le monde, vaste enquête menée pendant cinq années dans quarante-cinq pays.
De la dépénalisation des relations homosexuelles avec les mineurs consentants de plus de 15 ans, en 1982, à la pénalisation de l’homophobie, en 2004, l’homosexualité, en France, a gagné le combat culturel, pour parler comme Antonio Gramsci, philosophe marxiste italien à qui l’on doit la théorie du « pouvoir culturel » comme prélude à la prise de pouvoir politique. Gagner l’un, c’est déjà emporter l’autre. Ainsi du “mariage pour tous” qui ne fait que traduire politiquement les changements dans les mentalités et les moeurs.
Pendant que les gays se “normalisaient”, leurs manières d’être et leurs codes culturels colonisaient l’espace social. Qui ira nier l’influence de l’homosexualité sur la mode, le show-business, le cinéma, l’esthétique des corps, les nouveaux comportements citadins comme la “métrosexualisation”, qui voit de jeunes hétérosexuels s’adonner à la consommation compulsive de produits cosmétiques, ou encore la banalisation du multipartenariat ? Pas Frédéric Martel.

Déjà auteur d’un très exhaustif 
le Rose et le Noir. 
Les homosexuels en France depuis 1968 (Seuil, 1996), il n’a jamais fait mystère de son homosexualité. 
Dans son dernier livre, il met au jour cet esprit du temps — ce que les Allemands appellent le Zeitgeist — qui fait la part belle à l’homosexualité. On y découvre que la “désoccidentalisation” du monde s’opère aussi sur le théâtre gay. L’auteur évoque des « gays émergents », au Brésil, en Afrique du Sud, en Asie. Internet, les réseaux sociaux, les chaînes satellitaires ont tout changé, déversant le modèle consumériste californien et new-yorkais sur la planète, monde musulman inclus, même si les huit pays qui maintiennent la peine de mort pour les homosexuels sont tous de confession musulmane. Pour autant, Martel se refuse à parler de choc gay des civilisations. La ligne de partage entre les “pro” et les “anti” traverse toutes les ères civilisationnelles.
Où l’on suit difficilement l’auteur, c’est lorsqu’il récuse la vision d’une Internationale gay américano-centrée. Ce qu’il décrit, c’est pourtant le triomphe universel de l’« American gay way of life », à Amman, Bogotá, Stockholm, Pékin, Rio, Istanbul, Paris et ailleurs, visible dans la profusion d’anglicismes : drag-queens, Queer Nation, backroomsgender, GayPride, gay friendlyrainbow flag. C’est “English spoken” à tous les étages. Il n’est pas dit que Proust, Gide ou Cocteau se seraient reconnus dans de telles références. À lire les descriptions que Martel donne des bars gays sous tous les fuseaux horaires, on se croirait plongé dans l’univers techno et fluorescent si férocement décrit par Philippe Muray, où le festif a submergé le subversif et Mylène Farmer chassé Lili Marleen.
La grande nouveauté (qui nous vient elle aussi des États-Unis !), c’est l’apparition de ce que Frédéric Martel appelle, en s’inspirant de la formule d’Obama sur le monde “post-Black”, une nouvelle culture “postgay”, épilogue de la banalisation de l’homosexualité, perceptible dans le décloisonnement des quartiers gays, qui s’ouvrent à la mixité. Un monde où les homosexuels ne feraient plus débat. Une révolution anthropologique dont on n’a pas fini de mesurer les conséquences.

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