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jeudi 26 juillet 2007

Le socialiste Roland Dumas peut fréquenter Kadhafi

Les Verts ne fustigent donc pas le PS ?

Roland Dumas est un ancien ministre des Affaires étrangères de François Mitterrand et c’est aussi un familier de la tente d'apparat du « Guide de la révolution » libyenne. Le 26 juillet 2007, l’Est Républicain publia un entretien avec ce socialiste, proche de Mitterrand.

- Vous avez été ministre des Affaires étrangères et vous connaissez bien Kadhafi. Quel regard portez-vous sur cette affaire des infirmières bulgares ?
- D'abord, c'est un événement qui met fin à une situation tragique et désespérante. Il ne faut donc pas trop pousser les choses et trouver à redire au-delà du raisonnable+ C'est aussi un événement qui ouvrira un nouveau cycle de relations avec le colonel Kadhafi et l'Europe, avec la France en particulier. J'étais là-bas il y a deux mois, le colonel Kadhafi m'a reçu très longuement le soir chez lui et il m'a fait part de ses intentions d'orienter sa politique différemment, particulièrement en direction de la France. Cet événement est donc le bienvenu, compte tenu du rôle joué par le Président et son épouse.

En souvenir des bombardements


- Que vous a confié Kadhafi ?
- Le colonel m'a dit qu'il allait mener une politique très active auprès des pays d'Afrique, auxquels il veut apporter beaucoup de choses, en politique, en argent, etc... de façon à essayer d'unifier les pays africains. Il a été déçu de sa politique en direction des pays arabes, me disant qu'il n'avait pas trouvé là ce qu'il attendait, d'unifier le monde arabe+ Maintenant, en fin de carrière - ou en fin de vie, on ne sait jamais -, il souhaite laisser une trace en Afrique. Il a fait construire à Tripoli un très beau bâtiment qui est appelé à devenir le siège du Parlement africain, comme il y a un Parlement européen+ Son idée, c'est ça. Et il ne m'a pas caché qu'il voulait mener cette politique avec la France+ C'est un Kadhafi nouveau cru, parce que quand je venais il y a 30 ans pour négocier les affaires du Tchad, je l'entendais dire que nous n'avions rien à faire en Afrique ! C'est un changement de politique. Ce n'est du reste pas par hasard que le président de la République française, qui se rend en Afrique lui aussi et qui annonce une nouvelle politique méditerranéenne intensifiée, passe par Tripoli. Ils sont décidés à parler de ça.
- Vous voyez Kadhafi souvent ?
- Deux ou trois fois par an. Il m'invite. Il a gardé un bon souvenir des relations+ fortes que nous avons eu. J'avais fait bombarder la piste de Ouadi-Doum qu'il avait fait construire pour faire atterrir des avions gros porteurs et intervenir dans le conflit tchadien, c'était en 1986-87+ J'étais venu lui dire que nous allions la détruire+ Et effectivement huit jours après mon passage, notre aviation est intervenue pour la démolir+ Plus tard, dans nos rencontres, il m'a dit : « Savez-vous pourquoi j'ai de l'estime pour vous ? Parce que vous ne m'avez jamais menti ! ». J'ai pu donc constater son évolution. C'est un homme qui me semble avoir tourné le dos à sa politique en faveur du terrorisme et je crois que ce point de vue est assez partagé par les autorités de Washington+
- Et Bernard Kouchner mis sur le côté, vous en pensez quoi ?
- Je ne suis pas surpris que les événements aient pris cette tournure. Dans la Constitution, le chef de l'état a la maîtrise de la politique étrangère, le ministre est chargé de la diplomatie, c'est une nuance. Dans le passé, quand Mitterrand a rencontré Kadhafi en Crète, en 1984, pour le conflit avec le Tchad justement, je ne suis pas allé avec lui. J'avais pourtant tout organisé mais je n'étais pas encore ministre des Affaires étrangères alors+ Mais c'est vrai que ceci, associé à d'autres événements, pose un problème+
- C'est-à-dire ?
- On voit que le président de la République évoque à tout propos tous les problèmes de la Nation. Alors, on peut se poser la question en effet de la répartition des fonctions dans la République. La politique étrangère est du « domaine réservé » - François Mitterrand avait dit « partagé » - mais dans tous les autres domaines, il y a une confusion qui va être éclairée par la réforme de la Constitution qu'examine la commission placée sous la présidence éminente de M. Balladur ! Une formule originale


- Rien de choquant donc dans la présence de Claude Guéant et de Cécilia Sarkozy à Tripoli ?
- Non, c'était une formule originale où chacun a joué sa partition. Et j'observe que Mme Sarkozy a été d'une discrétion totale. On a su garder ce côté public officiel et ce côté personnel du président de la République avec un chef d'Etat étranger+ Les problèmes constitutionnels, institutionnels sont soulevés, et doivent être résolus. Mais je ne les ferai pas porter sur cet événement parce que c'est d'abord un résultat heureux. Il a été mis fin à un calvaire de 8 années !
- C'est une tradition d'avoir des envoyés personnels, des proches ?
- Moi-même auprès de Kadhafi, j'ai été un envoyé personnel de Mitterrand, même secret dans un premier temps+ également à plusieurs reprises auprès de Gorbatchev+ Dans cette matière si subtile qu'est la politique étrangère, il ne faut pas s'étonner qu'il y ait des formules un peu plus souples+
- Mitterrand avait confié les dossiers africains à son fils
- Son fils faisait partie de son cabinet. C'était officiel. Il était un peu l'équivalent de M. Foccard auprès du Général de Gaulle.
- Dans ces dossiers délicats, les contreparties peuvent être importantes ?
- Cela varie avec les gens, les problèmes et les circonstances+ J'ai eu à m'occuper des otages du Liban. Vous savez, on est sollicité de toutes parts par des gens qui vous disent être la relation appropriée pour faire libérer nos compatriotes+ Quand on est responsable politique, on ne peut pas négliger ces sollicitations - on se dit qu'on ne peut pas laisser passer une occasion+ -, alors on est exposé à des margoulins qui font ça pour se valoriser ou pour de l'argent. Je n'ai pas honte de dire que sur mon accord, on a rémunéré des informateurs, sur fonds secrets, sur des problèmes humains, des problèmes d'otages le plus souvent. Hélas, si j'ose dire, c'est monnaie courante+ Mais là, la compensation pour Kadhafi est plutôt politique. Kadhafi a besoin de la France dans le contexte nouveau de la politique

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