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samedi 8 janvier 2011

Le procureur Nadal est très affranchi du pouvoir politique

L'est-il autant des syndicats ?

Le coup de sabot de l'âne avant sa mise à la réforme

Pour son dernier discours avant départ à la retraite, le vendredi 8 janvier, le procureur situé en France au sommet de la hiérarchie a choisi l'audience solennelle de la Cour de Cassation pour donner des gages ultimes d'indépendance. Né en Tunisie en 1942, le magistrat était certes redouté pour la liberté de son verbe, quel que soit le pouvoir en place, mais le procureur général est allé cette fois très loin.
Jean-Louis Nadal s'en est sévèrement pris au ministre de l'Intérieur et a également accusé le gouvernement de vouloir conserver le pouvoir de nomination des procureurs.

Policiers condamnés à des peines de prison ferme
Evoquant à chaud l'actualité de l'affaire de la condamnation de policiers de Seine-Saint-Denis qui avait donné lieu à un échange musclé entre policiers et magistrats, Jean-Louis Nadal a évoqué les prises de position des ministres de l'Intérieur, Brice Hortefeux, et de la Justice, Michel Mercier, venus en renfort des fonctionnaires de leur ministère respectif, chacun dans son rôle et conformément à la tradition.
Il faut rappeler que, prenant note de la culpabilité des policiers condamnés, Brice Hortefeux avait déploré que, eu égard à la difficulté et à la dangerosité de leur tâche, les fonctionnaires de police aient reçu des peines de prison, non pas avec sursis, mais ferme.

Le procureur général près la Cour de cassation a également pointé des syndicats

Le procureur général sur le départ - à l'âge de 68 ans - relance la polémique contre la police
Jean-Louis Nadal a également visé les syndicats. Mais ce sont ceux de la partie adverse que stigmatise le magistrat 'impartial': les policiers et les manifestants du 10 décembre devant le Tribunal de Grande Instance de Bobigny.
« Au nom de quoi, par quelles dérives, certains [des] représentants [de la police judiciaire] se permettent-ils d'en appeler à l'opinion contre [les] magistrats quand ils prennent une décision qui leur déplaît ? », interroge-t-il.
Faisant les questions et les réponses dans une sorte de 'débat participatif' à la Désirdavenir Royal, il accorde la relaxe au ministre de la Justice, mais fustige le ministre de l'Intérieur: « Et le scandale n'est-il pas encore plus grand quand ces protestations politico-corporatistes sont relayées au plus haut niveau, au mépris du fondamental principe de séparation des pouvoirs? Prenons garde, prenons garde à l'instrumentalisation de la justice ! »

Faut-il céder le Parquet aux syndicats?

Dans une seconde partie tout aussi partisane, le procureur général Nadal s'est attaqué au statut du Parquet, rappelant que, le 15 décembre dernier, la Chambre criminelle de la Cour de Cassation avait "dénié au ministère public la qualité d'autorité judiciaire", le Parquet étant donc "maintenant proche d'un état de coma dépassé", selon cet ancien conseiller technique au cabinet du Garde des Sceaux socialiste Robert Badinter.

Rappelant encore qu'il s'est maintes fois prononcé pour "une réforme profonde" du statut du ministère public, le Parquet, car il faudrait, selon lui, accorder du crédit à la critique et "extraire le venin de la suspicion", en instaurant "de plus grandes garanties de neutralité et un surcroît d'indépendance".

L'Etat doit-il être privé d'un droit de recours ?

Le futur retraité préconise d'affaiblir l'Etat.
Le procureur général occulte allègrement que le ministère public (ou Parquet) exerce une mission de sauvegarde des intérêts généraux de la société devant les tribunaux. Le Parquet n'est donc pas le garant d'intérêts particuliers, mais de l'intérêt collectif, auquel les citoyens sont attachés.

Mais Jean-Louis Nadal a une réaction corporative
Avant de tirer sa révérence, il souhaite faire une fleur à la profession. "Couper tout lien entre l'échelon politique et le Parquet pour ce qui concerne les nominations"... ces dernières devant être confiées au Conseil supérieur de la magistrature (CSM). C'est la seule façon pour Nadal de ne prendre en compte que les qualités professionnelles "indépendamment de toute appartenance réelle ou supposée à telle ou telle organisation professionnelle, à telle école de pensée". Sachant que les magistrats se sont déjà affranchis des textes de loi pour n'en garder que l'esprit et les interpréter librement, le bientôt septuagénaire entend obtenir que la magistrature debout ne soient plus soumis à aucune contrainte ni aucun contrôle. Cette totale indépendance des magistrats conduirait inéluctablement à davantage d'arbitraire et au renforcement du risque d'appartenance syndicale.
Le Conseil supérieur de la magistrature, c'est quoi ?

Aux termes de l'article 64 de la Constitution de la Cinquième République française, le CSM assiste le Président de la République pour garantir l'indépendance du pouvoir judiciaire. Il a un pouvoir consultatif et non pas décisionnaire.

Le CSM se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64 de la Constitution. Cette formation comprend trois des cinq magistrats du Siège et trois des cinq magistrats du Parquet mentionnés ci-dessus, ainsi que le conseiller d'Etat, l'avocat et les six personnalités qualifiées déjà mentionnés. Elle est présidée par le premier président de la Cour de Cassation, qui peut être suppléé par le procureur général près la Cour.

Composition du CSM
Le CSM comprend deux formations paritaires, dont l'une est compétente à l'égard des magistrats du Siège et l'autre à l'égard des magistrats du Parquet.
La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet (comme celle compétente à l'égard des magistrats du siège) est présidée le procureur général près la Cour de cassation (et non pas, sur ce point, par le premier président de la Cour de Cassation).
Elle comprend cinq magistrats du Parquet et un magistrat du Siège (et inversement, dans le cas des magistrats du Siège), un conseiller d'Etat désigné par le Conseil d'État, un avocat, ainsi que six personnalités qualifiées qui n'appartiennent ni au Parlement, ni au pouvoir judiciaire, ni à l'ordre administratif. Le Président de la République, le Président de l'Assemblée nationale et le Président du Sénat désignent chacun deux personnalités qualifiées. Les nominations effectuées par le président de chaque assemblée du Parlement sont soumises au seul avis de la commission permanente compétente de l'assemblée intéressée.
Le procureur de Nanterre, Philippe Courroye, a ainsi été nommé par le pouvoir contre l'avis du CSM. Or, dans le dossier Bettencourt/Woerth, le premier magistrat de France, J.-L. Nadal, a fait pression sur le procureur Philippe Courroye en lui "suggérant" de saisir un juge d'instruction ...

Les garanties
Pour ce qui concerne les magistrature debout, c'est le Garde des Sceaux qui prend les décisions (de nature administrative et non juridictionnelle) en matière disciplinaire, mais après avis du CSM.
La décision du ministre peut être attaquée devant le Conseil d'État, qui statue alors en premier et dernier ressort comme juge de l'excès de pouvoir. Si le ministre déclare qu'il suivra l'avis du CSM en renonçant à exercer son pouvoir propre de décision, sa décision peut être annulée pour incompétence négative.

Les attributions relatives au Parquet

Le CSM peut-il être juge et partie en tant qu'organe disciplinaire des magistrats du Siège et du Parquet ?
Il est en effet saisi par la dénonciation des faits motivant les poursuites disciplinaires contre un magistrat du Siège, que lui adresse le Garde des Sceaux, ministre de la justice.
Comment pourrait-il se déjuger de ses propres décisions de nominations ?

Jean-Louis Nadal a été nommé procureur général près la Cour d'Appel de Paris le 7 mars 2001 par Elisabeth Guigou, ministre socialiste de la Justice du gouvernement de Lionel Jospin, et fut promu procureur général près la Cour de Cassation le 20 octobre 2004 par Dominique Perben, Garde des Sceaux de Jean-Pierre Raffarin.

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