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mercredi 30 décembre 2009

François Mitterrand, vu par Patrick Delpy

De quoi inspirer les Cambadélis, Huchon et autres Frêches et Royal
Le président François Mitterrand et Deng Xiaoping,
président de la République populaire de Chine (1978-1992)

En janvier 2006, Patrick Delpy (né en 1965) est vice-président (Asia Pacific) Alcatel-Lucent, Shanghai – Chine., nous livrait cet entretien sur son blog (Le Monde) :

Petit entretien avec moi-même sur François Mitterrand

Lu dans le Monde un entretien avec Marie Darrieussecq. Je reprends les questions de Raphaelle Bacqué et Ariane Chemin à Marie que j’adapte très légèrement et je me les pose:

Vous aviez 15 ans le 10 Mai 1981. Quels souvenirs en avez-vous gardé?
J’étais assis dans un fauteuil vert un peu en biais face à la télé en noir et blanc. Je me souviens de Jean-Pierre Elkabach à 20h00. C’était la première fois que l’informatique donnait les résultats d’une élection présidentielle en quelques secondes. Ma mère était là aussi. On retenait notre souffle. Lorsque les premier carrés gris sont apparus en haut de l’écran il était encore impossible de savoir si ce crane chauve était celui de VGE ou de Mitterrand. Puis on a vu: ma mère était accablée mais au même moment, dans la rue, sortis du silence on a commencé à entendre des hurlements de joies puis se furent les klaxons des voitures. C’était comme si tout avait basculé d’un coup.

Vous avez gardé les 2 images de ce jour – la liesse de la gauche, et la peur de la droite?
Pas exactement dans ces termes. J’ai plutôt compris la soudaine confrontation de 2 France qui se détestaient. Je me souviens des petits minets des jeunesses giscardiennes à la télé gesticulant et tapant du mocassin sur l’estrade avec leurs pulls lambswool en V sur les épaules. Je revois aussi la foule à la télé se dirigeant vers la Bastille. Mais ce que je garde vraiment en mémoire, c’est d’une part Mitterrand avec sa rose entrant dans un Panthéon désert, les commentaires ultra complaisants des journalistes et une certaine solennité puis le départ à pieds de VGE de l’Elysées sous les hurlements d’une foule enragée.
Ni peur, ni liesse, mais une France de salon qui à droite ruminait une défaite et promettait des lendemains de misère et une France de rues, haineuse, qui à gauche promettait de tout renverser.

Vous appartenez très exactement à la “génération Mitterrand”. Vous votez pour lui en 1988?
J’avais voté pour la liste de Lionel Jospin à Paris pour les législatives de 1986. Il me semblait que la stabilité des institutions imposaient, quoi qu’il en coûte, une nécessaire assemblée du même bord que le président. En 1988, je ne vote pas pour les présidentielles. J’avais déjà quitté la France. J’étudiais et je travaillais aux États-Unis. A ce moment là, en France, il n’y avait pas encore un seul ordinateur dans les écoles ni dans les universités. Aux US, les salles d’ordinateurs de tous les campus, étaient ouvertes 24/24. C’est exactement à ce moment là que j’ai pris conscience que la France avait décroché sur le plan économique et qu’on en reprenait pour 7 ans.

Et vous portiez la petite main des potes en pin’s…
Euh pas vraiment… Rien contre cependant mais tout simplement pas pour moi.

Naïf ou manipulé?
Justement ni naïf ni manipulé. C’est bien pour ça que je ne portais aucun signe extérieur d’appartenance à quoi que ce soit ni à qui que ce soit: ni un parti, ni une association, ni un club de foot.

Votre première déception a rencontré, en somme, l’évènement qui, “politiquement” vous a “ fait”.
Oui c’est vrai. J’ai été sidéré de voir qu’autour de moi, les vieux (c’est à dire les + de 50ans en 89) s’imaginaient, comme à Berlin ou Prague, que les soviétiques allaient intervenir avec les chars. Et donc, Mitterrand comme beaucoup d’autres français de sa génération sont restés prostrés face à la rapidité des évènements: je pense en fait qu’ils craignaient et les soviétiques en souvenir de la guerre froide et les allemands réunifiés en raison de la seconde guerre mondiale. Alors que pour tous les jeunes de ma génération “Mitterrand”, on parlait allemand, langue apprise en 2nde langue, on recevait des camarades allemands en échanges linguistiques dans nos classes et on avait appris à aimer énormément l’Allemagne (et les allemandes…) alors on a tous su, lorsque le mur s’est écroulé sous les marteaux des jeunes comme nous, que tout ça, devenait irréversible, que l’Allemagne redevenait une et que les soviétiques ne bougeraient pas.

Quelles ont été les autres déceptions?
L’absence complète de politique, la nomination d’Edith Cresson au poste de 1er ministre. Elle était maire de Chatellerault, c’est dire si je la connaissais, ayant vécu de 70 à 83 dans cette ville: une nullité notoire démontrée par la suite. Je crois qu’elle fut la cause de tous les effondrements qui ont suivi. Puis finalement une France en roue libre.
Mais comme pour Marie, c’est vrai que la photo à été la preuve des ambiguïtés de l’homme.

Vous faites allusion à la photo avec le secrétaire général de la police de Vichy. René Bousquet?
Oui. En fait ce n’est pas tant la photo qui me gêne. J’imagine que dans cette France marécageuse de la défaite de 1940 et des années noires, plus personne ne savait vraiment ou était le bien et le mal. Il fallait sauver sa peau. Mais là avec Mitterrand et sa francisque, il avait carrément franchi la ligne jaune. J’ai compris à ce moment là que tout son socialisme n’était que de circonstances, que tout était politique et que finalement c’était le sommet du pouvoir qu’il voulait, quel que soit le prix, quel que soit le chemin, quels que soient les moyens. Il a été un très grand homme politique parce qu’il n’a toujours eu que le pouvoir en tête. Le reste relevait de la stratégie de conquête.

Et vous avez pris vos distances…
Du recul plutôt sur l’homme mais aussi les politiques en général et le président de la république en particulier.

Vous vous êtes éloigné de François Mitterrand, mais pas des socialistes. (…)
J’ai de très bons amis socialistes. Et des membres de ma famille aussi. La conviction de certaines idées “socialistes” me fascinent. Fumantes mais fascinantes. Tous les progrès en France sont socialistes. Mais à quel prix!
Vous pouvez y aller, tous les intellectuels, les cinéastes, les acteurs et auteurs, les artistes en général, tout ce qui crée, tout ce qui a de la couleur et du reflet, tout ce qui a du buzz et qui fait rire, qui fait trembler les coeurs et arrache des larmes, tout ce qui est folie dans ce pays vient presque toujours du coté gauche. C’est comme ça. Et on en a besoin. Bon évidemment, il ne faut pas trop regarder la note, salée! Parce que le problème de fond, c’est qu’on voudrait que ça tombe du ciel. C’est parce que je ne crois plus au père Noël que je me suis éloigné des socialistes.
Car au même moment, quand les cigales chantaient en France, Margaret Thatcher reconstruisait l’Angleterre, Helmut Kohl faisait une grande Allemagne, Gorbatchev défaisait l’URSS presque en douceur, Reagan redonnait confiance à toute l’Amérique et Juan Carlos à toute l’Espagne. Alors Mitterrand à coté d’eux, c’est qui, dites-moi? Il a fait quoi de grand?

L’abonné du gaz que vous êtes s’est épanoui dans la fiction, comme beaucoup de votre génération…
Il faut une part de rêve mais hélas, la fiction je la laisse à Marie.. Elle est trop forte pour moi! Bisous Marie…

Pas d’envie de philosophie?
Si tous les jours. Dans mon business, on me dit souvent que je suis un intellectuel, voire même parfois que je suis un philosophe. Dans la jungle où j’évolue, je crois que la façon dont on me le dit me laisse penser que c’est perçu plutôt comme un défaut, mais ça me donne le recul nécessaire pour réfléchir et essayer de prendre de meilleures décisions. A tout prendre et avec le business en perspective je préfère être un “philosophe” qu’un “tueur”.

La “génération Mitterrand” serait une génération plus modeste que celle qui l’a précédée?
Cette “génération Mitterrand” dont j’ai la chance immense de faire partie est la première génération de toute l’histoire de France, depuis 2000 ans, à n’avoir jamais connu la guerre! Ce n’est pas rien… Celle juste avant la mienne mordait sur la fin de la seconde guerre mondiale, la guerre d’indochine et la guerre d’Algerie. Pour les autres: se référer à l’histoire de France. Alors au-delà de tous les discours philosophiques, au delà de toutes les littératures, au-delà de tous les progrès sociaux et la facture abyssale de toutes nos folies, la “Génération Mitterrand” est la première génération de Paix. Alors peut-on dire que ma génération est plus modeste parce que moins guerrière et moins ambitieuse dans ces combats? Est-ce modeste d’avoir gagné la paix? Alors oui Marie, tu as raison, sauvons l’histoire mais surtout Marie je t’en supplie, sauvons la Paix.

Vous vous souvenez de la mort de François Mitterrand?
Tout le monde attendait sa mort et en même temps on commençait à croire qu’il était immortel. Depuis longtemps déjà, il avait tout quitté mais son masque de cire semblait le protéger de tout.
Je ne me souviens pas du tout du jour ni du moment où la nouvelle fut annoncée. Ce jour là, j’étais totalement isolé sur une île paumée de l’Océan indien, sans télé, sans téléphone et sans journaux. Je pense que la nouvelle m’est parvenue plusieurs jours après sa mort. Quand je suis revenu en France, il était déjà enterré. En revanche je me souviens très bien de la messe à Notre-Dame avec tous les chefs d’état qui avaient fait le déplacement. C”est lors d’un moment comme celui-là que l’on comprend que la France reste encore un très grand pays très présent dans le cœur des hommes et l’âme des états et qu’elle sait encore toucher le ciel.

Au fond, avez vous de la sympathie pour François Mitterrand?
Non. Beaucoup de morts troubles entourent sa vie, beaucoup de coups tordus et machiavéliques l’ont fait accéder au pouvoir puis l’y ont maintenus.
L’homme ne m’est absolument pas sympathique. Mais demande-t-on à un chef d’état d’être sympa? Je ne crois pas qu’un chef d’État soit dans le business de la Sympathie. On n’est pas à Dysneyland! Et nous les abonnés du gaz, on n’est pas naïfs!

Est-ce un bon personnage de roman?
Fabuleux! Bien sur que oui et mille fois oui. Un homme qui est à la fois: un grand bourgeois, un grand catholique, un homme de combat, un ancien prisonnier de guerre évadé en plein hiver, un homme de tous les pouvoirs: d’extrême droite, de gauche, d’alliance avec les communistes, du centre pour finir par s’ancrer dans le socialisme, le chef de l’État Français resté le plus longtemps au pouvoir depuis Napoléon III, un amant prodigieux (soi-disant…), un bigame avec Mazarine en legs pour les générations futures, un homme de tous les secrets, de toutes les écoutes, de tous les pouvoirs, un écrivain et un homme qui portait si bien le chapeau noir… est un immense personnage de roman.

Vous éprouvez une forme de nostalgie?
Aucune. Revenir en arrière? Vous imaginez l’horreur? Se reprendre des années de cohabitation? Edith Cresson? Les nationalisations? Le contrôle des changes?
Si il y a quand même un truc que je regrette et que Mitterrand faisait très bien: il construisait la France ( on ne regarde pas la note!): les autoroutes, les lignes TGV, le grand Louvre, les colonnes Buren, la TGB, Bercy, l’Opéra Bastille (je n’aime pas mais bon affaire de goût…), la grande Arche. Ça fait beaucoup et j’en oublie! Mais finalement beaucoup moins que Napoléon III en juste 6 ans de moins…

Pas un homme pour le XXIème siècle?
Pour moi, Mitterrand, c’est plutôt un personnage digne d’Alexandre Dumas, voire de Chateaubriand…
Et vous vous proposez qui pour le XXIème siècle?

Et en juillet 1940, qui Cambadélis et Huchon auraient-ils proposé, après la débâcle de juin, à la place du
vice-président du Conseil dans le gouvernement de Paul Reynaud, démissionnaire, le maréchal Pétain ?

Ajoutons quelques éléments sur le mythe résistancialiste

Ce mythe a été développé surtout par les gaullistes et les communistes, selon lesquels les Français auraient unanimement et naturellement résisté depuis le début de la Seconde Guerre mondiale.

La fameuse lettre de Guy Môquet illustre bien ce mythe : Guy Môquet, fils d’un député communiste emprisonné après la déclaration de guerre à l’Allemagne, est arrêté en octobre 1940, alors qu’il distribue des tracts clamant « Nous avions raison ! » ou encore « Libérez Môquet ! ». En effet, à l'automne 1940, le pacte germano-soviétique n’est pas rompu et les communistes français réclament aux autorités allemandes l’autorisation de faire reparaître L’Humanité qui avait été interdit par le gouvernement français en 1939. Guy Môquet est fusillé par les Allemands le 22 octobre 1941, en représailles après l’assassinat d’un commandant allemand. Mais cela ne fait pas de lui un résistant… Lire PaSiDupes
Pourtant, après la guerre,
le parti communiste français, qui veut faire oublier le pacte germano-soviétique, transforme Guy Môquet en héros de la résistance française. Lire PaSiDupes

1 commentaire:

  1. Je découvre... j'apprécie beaucoup. Pourquoi n'entend-on pas plus souvent de voix telle celle-là ? merci Monsieur Delpy.

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