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samedi 13 octobre 2007

Prix Nobel de littérature à l’ex-communiste Doris Lessing

Ecrivaine féministe et engagée, c’est tout bon pour le Nobel

Les prix Nobel sont presque tous des ex-communistes, sinon le prix Nobel reste très marqué à gauche. Il est demeuré la récompense des héritiers du bolchévisme, c’est le prix des anciens combattants rouges. Doris Lessing est une nouvelle illustration de cette observation.
Pour l’Académie suédoise, il s’agit de couronner une œuvre militante à portée sociale. Le comité récompense une "conteuse épique de l'expérience féminine, qui avec scepticisme, ardeur et une force visionnaire scrute une civilisation divisée", selon les termes du communiqué. Doris Lessing est la 11e femme depuis 1901 à obtenir le Nobel de littérature. Doté de 10 millions de couronnes suédoises (près d'1,1 million d'euros), le Prix lui sera remis le 10 décembre prochain à Stockholm.
Née en Iran il y a bientôt 88 ans (1919) alors que son père était capitaine dans l'armée britannique coloniale, elle passera son enfance avec ses parents en Rhodésie du Sud (actuel Zimbabwe) dès l’âge de 6 ans, et épousera à l'âge de 19 ans un fonctionnaire, Frank Wisdom, dont elle aura deux enfants, mais le quittera en 1942.
L’écrivain britannique Doris Lessing est avant tout identifiée à la militante féministe qui a secoué les idées de son temps avec son roman anecdotique largement autobiographique, Le Carnet d’or (écrit en 1962, prix Médicis étranger 1976, en France). Il met en scène deux amies divorcées ou abandonnées, Anna et Molly, la quarantaine, en pleine ‘middle class crisis’ comme il se doit (quand il faut renoncer à pas mal de ses illusions de jeunesse), vivant à Londres dans les années cinquante et qui ont des vies très semblables: toutes deux sont artistes, communistes et élèvent seules un enfant, mais se rendent compte que le communisme n'est plus la solution. Pendant quatre années, de 1952 à 1956, Doris Lessing fut effectivement membre du Parti communiste anglais et participa activement aux campagnes contre les armes nucléaires. Plus perspicace que bien des Français, parmi lesquels Yves Montant et Simone Signoret, elle mit seulement quatre années à en faire le tour…
Pour bien des lecteurs français, Doris Lessing est d'abord Martha Quest, le personnage central des Enfants de la violence, sa saga en cinq volets écrits dans les années 1950 et 1960, sa précédente autobiographie détournée et sauvage comme la brousse. L'amour, la politique, la ségrégation, les bons sentiments, les trahisons, l'héroïne comme l'auteur fait l'apprentissage de toutes ces violences et accepte la leçon avec la sagesse d'une survivante. Martha Quest, en quête d'indépendance sociale, politique et sexuelle, « est innovatrice dans sa représentation des pensées et des conditions de vie de la femme émancipée », a souligné l'Académie suédoise…
Dans Le Rêve le plus doux, Lessing confronte trois générations de femmes dans une grande maison du nord de Londres. Chacune subit les conséquences de son idéologie personnelle. Le prix Nobel s'attaque ainsi aux utopies communautaristes des sixties qui dispensèrent les jeunes gens libertaires de devenir adultes, les hommes de traiter les femmes avec respect, et les pays africains d'affronter leur destin. Le confort intellectuel n'est pas sa préoccupation, bien plutôt sa bête noire.

Très engagée politiquement, la romancière critique ouvertement nombre d'injustices sociales, en particulier sur le pays de son enfance, ce qui la fera interdire de séjour en Afrique du Sud et en Rhodésie. Pour le comité Nobel et des générations entières, Lessing fut la combattante héroïque contre les injustices, le colonialisme et l’apartheid. Le 'revival' de la repentance coloniale est certainement pour quelque chose dans l'attribution du prix. Il fallait en effet récompenser la Camarade Doris. Pendant la seconde guerre mondiale, elle s’était en effet politisée, comme on sait, et adhèra à un groupe communiste luttant notamment contre la politique d'Apartheid menée par la Rhodésie. Elle y rencontra un émigré juif allemand, Gottfried Lessing, qu'elle épousa en 1945 et dont elle eut un enfant. En 1949, de nouveau divorcée, elle quitta la Rhodésie pour s'installer définitivement à Londres. Elle emporta dans ses bagages le manuscrit de son premier roman, The Grass is singing (Vaincue par la brousse), inspiré de son expérience africaine, traitant de la relation entre l'épouse d'un fermier blanc et son domestique noir. L'ouvrage est "une tragédie basée sur des tensions mêlées d'amour et de haine et une étude sur des tensions raciales inconciliables", selon le communiqué de l'Académie qui ne fait pas mystère de ses critères. On ne peut assurer que le style et la profondeur de la pensée de Lessing ont contribué à cette distinction, mais l’engagement politique a suffit. Après une visite en Rhodésie du Sud (aujourd'hui le Zimbabwe) en 1956, elle y est jugée indésirable en raison de ses positions critiques à l'égard du régime et sera interdite de séjour en Afrique du Sud de 1956 à 1995.
Dans son article publié en août 2003 dans Le Monde diplomatique, elle dressait encore un portrait féroce du très controversé président Robert Mugabe. Pour des raisons inverses!

Lessing a accueilli le prix Nobel, à sa manière décapante, de vieille dame indigne, comme « une quinte flush royale au poker », et avec détachement, elle qui « a déjà remporté chacun de ces foutus prix littéraires en Europe ». Les gentils compliments, creux et policés, ne sont pas sa tasse de thé.
Ni Pute Ni Soumise, comme notre secrétaire d'Etat, Fadéla Amara peut postuler.
Écrivain consacrée (il faudrait dire ‘écrivaine’ ou ‘auteure’), Doris Lessing choisit en 1983 et 1984 de se remettre en question. Elle soumit sa notoriété au test d'un canular dont elle ne fut pas déçue... Elle envoya successivement deux romans sous le pseudonyme de Jane Somers à son propre éditeur qui les rejeta! Cette expérience –dit-on- amusa Doris et ne la découragea pas. Ni le comité Nobel…

LIRE aussi le billet de PaSiDupes sur les prix Nobel du 12/10/2006.

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