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mercredi 12 juillet 2006

BAC : édition 2006, une mascarade.
Le bac 2006 n’est pas au ‘rabais’, clame-t-on, à l’unisson ! Il fallait oser le dire et ils s’y sont tous mis : du pouvoir fédérateur du bac !
Cette contre-vérité ne trompe pourtant personne, mais tout le monde trouve son intérêt dans ce mensonge. Il est tellement énorme qu’il fallait tout de même l’unanimité pour le faire passer.
En attendant, les instituts d'enseignement supérieur ne sont pas ravis de se faire repasser la patate chaude: nous n'avons pas fini d'entendre pleurer dans les facs sur les moyens insuffisants et inadaptés à la déferlante d'étudiants ignares et prétentieux, ainsi que sur l'inadaptation du système universitaire déclaré obsolète! On le serait à moins...
Les résultats du ministère de l’Education nationale.
Nouveau record pour le baccalauréat: 81,9% des lycéens candidats ont obtenu leur examen cette année contre un peu plus de 80% l'an passé, a annoncé le ministère de l'Education nationale. Les résultats -provisoires- sont meilleurs qu'en 2005 dans toutes les filières et dans toutes les académies.
Ces résultats améliorent les précédents records de réussite établis en 2005 et 2004. Ils dépassent également les 81% enregistrés en 1968.
63,8% de leur classe d'âge en 2006. Par comparaison, les bacheliers n'étaient que 29% d'une classe d'âge il y a 20 ans et à peine 63% il y a dix ans.
Dans les séries générales, 86,5% des candidats ont réussi l'examen, soit 2,6 points de mieux qu'en 2005.
La série S enregistre même un taux de 89,1% de réussite; en série ES : 84,3% ; et en L : 83,2%). Dans les séries technologiques, ils sont 77,2% (+1,1 point) à avoir été reçus et 76,8% (+1,7 point) pour le bac professionnel.
Les résultats des épreuves écrites avaient déjà été très bons, puisque 73,9% des élèves ont obtenu la moyenne à l'issue des premières épreuves. Les autres ont dû passer les épreuves du "rattrapage".
C'est l'académie de Grenoble qui enregistre les meilleurs résultats dans les séries générales, avec 91% de réussite, devant celles de Rennes (90,8%), de Nantes (90,5%) et de Strasbourg (90,2%). En bas de tableau, on retrouve l'académie de Créteil (80,7%, une misère…). Aucune académie à moins de 80,7%... Curieusement, les académies parmi les plus actives, et le plus longtemps, mobilisées contre le CPE et où les dommages ont été les plus sévères, sont parmi les mieux récompensées par des scores mirobolants qui donnent à douter de l’utilité de l’énorme investissement dans la préparation et l’administration du bac : pourquoi ne pas lui substituer un simple certificat de fin d’études ? Serait-ce le but recherché ?...
Avant même les épreuves, le ministère se plaisait à garantir par avance que huit semaines de grèves contre le CPE ne suffiraient pas à dévaluer le bac. Tout le monde s’est évertué à accréditer l’idée que le gavage, les bouquins d’annales et les cours particuliers sont plus efficaces que des cours dans l’enseignement publique. On n’est pas prêts d’oublier que l’école publique n’a pas pour mission de former de jeunes esprits au raisonnement et de former leur jugement: une tête bien faite n'est plus une ambition accessible, mais une tête bien pleine n'est pas assurée. On peut se satisfaire de bachotage et obtenir ce précieux certificat de fin de cycle secondaire attestant, croyait-on parfois encore, d’un niveau respectable de connaissances, sésame pour l’enseignement supérieur. Nul besoin de connaître les rudiments de l’orthographe pour accéder à la fac à l’époque du SMS et l’EN cautionne ce progrès de l’ignorance chic, comme l’attestent les correcteurs ringards et d’autant plus horrifiés qu’ils la maîtrisent encore.
Le mouvement anti-CPE nous a également appris que l’année scolaire est trop longue et que le nombre d’heures de cours peut être sans dommages amputé. Que l’industrie des loisirs de montagne et d’ailleurs se le tiennent pour dit : un nouveau créneau s’est ouvert…
La FSU fait naturellement porter au ministère la responsabilité de la nature de certaines épreuves et de l’indulgence recommandée aux correcteurs. Son secrétaire général cite notamment l'introduction d'un QCM (questionnaire à choix multiples) où une réponse fausse n'entraîne pas de retrait de points, mais où seul l'absence de réponse est pénalisée. Si les profs de la FSU s’en émeuvent…
La FSU reproche également que le choix des sujets n’était pas fait pour inquiéter les candidats. C’est la FSU et non le ministre qui le reconnaît : "Certains collègues disent également que le bac de philo était plus facile".
Enfin, Gérard Aschieri rappelle que la suppression des TPE (travaux personnels encadrés) en terminale par la loi Fillon a entraîné une contrepartie: la possibilité pour les élèves de choisir au bac une discipline de leur TPE de première, et pour laquelle les points au-dessus de la moyenne sont comptés comme double.
"Il faut regarder tout ça de près, mais ça a pu jouer". Mais pour le secrétaire général de la FSU, "l'augmentation du taux de réussite ne signifie pas, loin de là, qu'il s'agit d'un bac au rabais".
Le ministère s’est plus que jamais investi dans la diffusion de consignes qui toutes allaient dans le même sens : éponger les dégâts de la grève, masquer le fiasco. Son savoir-faire en matière de laisser-aller a pu s’exprimer pleinement. Les sujets n’ont en général pas été jugés spécialement sélectifs : leurs concepteurs connaissent les niveaux de leurs élèves et s’adaptent au marasme général. Les barêmes sont en outre très favorables et noient le poisson. Enfin, les consignes sont adaptées non pas au niveau du bac, mais au niveau moyen des copies : un lot anonyme sert de tests à quelques correcteurs choisis pour leur souplesse et connus pour leur laxisme ; l’ensemble des correcteurs doit ensuite aligner ses propres corrections sur la moyenne des sottises répérées par les profs-testeurs au palais et papilles peu délicats.
Il faut bien ensuite une campagne de presse pour redresser une image des plus défavorables. Etonnez-vous que nos glorieux lauréats prennent des gamelles à peine arrivés dans le post-bac. Ils ne comprennent pas ce qui leur arrive et en sont fort marris. Il leur faut bien sûr et des heures de soutien et des tuteurs pour essayer de sortir la tête de l’eau. Ca coûte juste un peu…
La FSU, responsable, mais pas coupable, dans l’ensemble joue le jeu, tout en jetant des pavés dans la cour du ministère (voir ci-dessus). Le bac 2006 n'est pas "au rabais", affirme, sans rire, Gérard Aschieri (le secrétaire général de la Fédération syndicale unitaire, FSU); mais il n’a pas non plus une tête ni à rigoler, ni à être pris au sérieux depuis la réforme des retraites de ses collègues enseignants qui lui trouvent plutôt une tête à claques. La FSU a mené la danse anti-CPE et doit désormais donner à ses élèves et étudiants grévistes de bonnes raisons de remettre ça à la prochaine occasion.
Il a fallu qu’il prenne la parole pour assurer, sans convaincre: « les enseignants ne semblent pas avoir reçu de consignes d'indulgence liées au mouvement contre le contrat première embauche (CPE). On notera son «ne semblent pas» qui en dit long !
Et pour lui, "la comparaison avec le bac 68 ne me parait pas exacte, car c'était un bac allégé. J'ai passé mon bac en 69 et il y avait une circulaire ministérielle qui soulignait que le bac 69 ne serait pas un bac 'au rabais'". Le taux de réussite en 68, tout allégé qu’il fût, fut loin d’approcher les 80%, à une époque pourtant encore assez élitiste…
"Ensuite", a-t-il ajouté, "les collègues ne nous ont pas fait remonter de consignes particulières d'indulgence qu'ils auraient reçues". Pas de consignes extraordinaires d’indulgence, selon lui, seulement les consignes ordinaires c’est en soi révélateurs des années passées ordinaires. Mais une absence de ‘consignes particulières’ reste à démontrer. Ajoutez à cela son emploi du conditionnel et l’omerta des profs syndiqués, autant de raisons de lui faire confiance…
En ‘bon’ dirigeant syndicaliste professionnel, il passe ensuite la main dans le dos de ses profs. Il justifie ce niveau record : "D'abord, après le CPE, il y a eu un très gros travail fait par les enseignants pour rattraper le retard". Il ne semble pas assuré que les élèves étaient bien tous présents. De nombreux profs se sont en effet plaints de la désaffection définitive de nombreux élèves…
L’argumentaire n’a pas été peaufiné, car il alimente la critique, en ajoutant encore par ailleurs que "lorsqu'on regarde les résultats de près (sic), on se rend compte que l'essentiel de la hausse tient à la série S (scientifique) qui tire la moyenne générale vers le haut, ce que nie le ministère-parce que dans cette série, il y a eu des évolutions d'épreuves qui n'ont rien à voir avec le CPE, mais qui sont liées à une volonté de rendre la filière scientifique plus attractive". Il est clair pour tous, sauf pour lui, que le s ‘évolutions d’épreuves’ vont dans le sens d’un abaissement du niveau du bac, ce que par ailleurs il nie farouchement depuis longtemps.
Ses adhérents profs ne pouvaient pas risquer d’être rendus responsables d’une chute du taux de réussite au-dessous de 80% considéré comme un droit acquis. Ils ont donc arrondi les notes au point supérieur à chaque étape de leur correction. Ainsi une épreuve en quatre parties (ou questions) a pu bénéficier de 4 points (sans rien faire, ‘en dormant’ comme on dit des rentiers en Bourse…): 3,1 sur 5 = 4 (et non plus 3). Cela quatre fois et ça donne, non pas 12, mais 16. Généralisez le système à l’ensemble des épreuves et le candidat obtient la mention, non pas AB, mais TB. L’inflation des mentions n’est donc pas aussi surprenante qu’il y paraît…
Pareillement, le candidat qui obtient 5/20 de moyenne générale peut, depuis le CPE, obtenir le baccalauréat directement, grâce à ce type de calcul des points, en n’en comptabilisant que 9/20. Alors intervient en effet le livret scolaire ! Les résultats du candidat en 1° et Terminale y sont consignés, ainsi que les appréciations des professeurs. Lorsque le candidat n’a pu être évalué sérieusement au 3° trimestre pour les raisons que l’on sait, la note qui y est consignée est de pure fantaisie, de nature à la fois à satisfaire l’élève et sa famille, mais aussi à protéger le prof absent, en réunion syndicale ou en manif… Et vogue la galère…
De la même façon, des élèves ont pu être admis à passer les épreuves du 2è groupe avec 8/20, c'est-à-dire peut-être seulement 4/20, en réalité. Interrogés par des professeurs qui ont défilé dans les rues avec eux, occupé les mêmes établissements et missionnés par leur hiérarchie et leur syndicat, ‘tous ensemble’ pour les faire réussir, les candidats n’ont pas eu besoin de briller, les examinateurs leur étant tout acquis.
Les parents d’élèves se racontent des bobards. Rien ne les étonne lorsque leurs rejetons sont flattés.
Les élèves n’auront retenu qu’une chose : la recette de la réussite. En faisant grève, nous augmentons nos chances de 2% en 8 semaines, calculent-ils, sans calculette. Autrement dit, si la semaine de rave-party rapporte 0,25% de mieux, pourquoi ne pas faire durer le plaisir plus longtemps ?
D’autant que le cours va se bonifiant. En effet, la grève dure de 1968 n’a pas été aussi profitable en termes de réussite au bac. Le seuil de 80% autour duquel les taux de réussite au bac tournaient ces dernières années sans qu’on pût décemment envisager de le dépasser notablement l’a été cette année grâce au CPE, alors que le contraire eût été logiquement concevable. Mais la logique, en politique et en éducation, n’est plus une science.

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